Aucune surprise, d’ailleurs, ce sont les mêmes à chaque fois : le représentant du PS et celui de la droite libérale — peu importe leurs “personnes” : elles sont interchangeables —, frères ennemis d’un système politique, médiatique et financier dont les membres se serrent les coudes comme ceux d’une mafia qui, pour être légale, n’en partage pas moins l’objectif de toute mafia : l’appropriation d’un territoire donné — en l’occurrence la France — et sa mise en coupe réglée, au mieux des intérêts d’une hyperclasse mondiale dont le pays légal n’est plus que la courroie de transmission — la vieille ploutocratie est définitivement dénationalisée. En dépit de sa lourdeur marxiste, un film récent comme “Les Nouveaux Chiens de garde” révèle, à ceux qui auraient conservé encore quelque illusion sur le pluralisme de l’information, l’objectivité de nos experts médiatisés ou l’indépendance des journalistes et des hommes politiques entre eux comme vis-à-vis du pouvoir financier, les liens profonds unissant les membres d’une caste qui se renouvelle par filiation ou cooptation, jetant dans la géhenne d’un extrémisme diabolisé tous ceux qui s’opposent à son omerta.
Le quinquennat, en permettant une plus grande fluidité de l’offre politicienne, correspond au rythme effréné et à la nature des intérêts des décideurs comme de leurs fondés de pouvoir : tout ce qui ressemble de près ou de loin au pouvoir régalien leur est insupportable, par ce qu’il suppose à la fois d’indépendance et de durée. Oui, en cela, le quinquennat est plus “moderne” que le septennat, comme le proclamaient les imbéciles au moment de son adoption, alors qu’il n’a fait qu’aggraver les défauts de l’élection du président de la république au suffrage universel qui, dès 1965, c’est-à-dire à sa première expérimentation, a été confisquée par les partis, au grand dam d’un général qui avait cru trouver enfin la “bonne formule” républicaine.
Plus généralement, ce n’est pas pour rien si l’Europe, continent de la régression libérale, laquelle, ignorant la politique naturelle, inscrit au cœur des sociétés la compétition et la lutte pour la vie en lieu et place de l’amour, donc de la famille, a vu, lorsqu’elles subsistaient, ses monarchies devenir progressivement “symboliques” — c’est-à-dire fantomatiques. L’exception du Liechtenstein ne fait que confirmer la dérive de ces monarchies qui, en abandonnant les rênes de l’action politique à l’oligarchie, ont perdu ce qu’elles avaient de profondément symbolique, au vrai sens du terme. Le symbole est ce qui réunit pour faire exister, en l’occurrence le peuple, en ses Etats, et le Roi — le Roi à la fois au-dessus de ses sujets et sous leur regard —, en ses conseils. Ce qui suppose, ensemble, un pays réel jaloux de ses libertés et un prince actif — la personne du Roi, aimait à rappeler Boutang, est une “réalité effective” —, c’est-à-dire dont l’arbitrage, parce qu’il est régalien précisément, ne se réduit pas à compter, entre deux inaugurations de chrysanthèmes, les coups que l’oligarchie, qui a confisqué le pouvoir, inflige au peuple. Telle serait une “République couronnée” dont le roi serait au mieux inutile, au pire serf des partis : non, l’arbitrage royal consiste à sauvegarder l’essentiel, c’est-à-dire à garder sauves la société dans toutes ses prérogatives et la première condition de son existence : la nation. On comprend pourquoi la main de justice était un attribut essentiel de la royauté : comme le rappelle le comte de Paris dans son billet hebdomadaire du lundi 2 avril : « La fonction primordiale de la justice a été de tous temps signifiée en France par la "main de justice" en ivoire, cette matière blanche pure, incorruptible et dure que les rois de France recevaient lors de leur couronnement à Reims. [...] La fonction du juge devrait être de rassembler, réintégrer, reconstruire ce qui a été dispersé, désintégré, détruit. Son rôle est alors de réunir ce qui a été désuni. Il incarne de ce fait le principe d’unité contre le pouvoir du chaos. »
Le roi, par sa souveraineté, c’est-à-dire son indépendance, don de la naissance, assumait naturellement ce rôle, alors que le président de la République, élu d’une majorité artificielle au profit de quelques-uns, ne peut qu’ignorer, en son essence, le principe de justice. La république, régime des partis, c’est-à-dire de la division, est bien ce “pouvoir du chaos” évoqué par le Prince, comme la campagne présidentielle nous en fournit une nouvelle démonstration en faisant des besoins vitaux du pays des enjeux électoraux. Indépendance de la nation, conception de l’homme et de la famille : la République transforme les invariants de toute vie sociale en objet de négociations des lobbies. Ne parlons pas de l’existence même du peuple français, attaqué, avec la complicité du pays légal, dans sa cohésion culturelle et spirituelle par une immigration devenue l’arme de destruction massive des nations historiques, derniers obstacles à la mondialisation.
La récente et dramatique affaire Merah, au cours de laquelle Sarkozy a été d’autant meilleur candidat qu’il a joué au chef d’Etat — hommage du vice à la vertu —, n’est pas seulement une tâche de sang indélébile sur un mandat caractérisé par l’incompétence généralisée du président et de ses ministres de l’intérieur successifs en matière de sécurité ou de lutte contre le terrorisme. Elle est la première conséquence, qu’on peut craindre, malheureusement, encore modeste, de l’effritement progressif de la communauté nationale sous l’assaut d’un communautarisme exogène introduit sur notre sol sous le double effet conjugué d’un capitalisme aussi stupide qu’apatride et d’une idéologie cosmopolite, qui voue tout héritage national à la moisissure. Car les sacro-saintes “valeurs républicaines” sont arrivées en fin de course, après avoir développé toutes leurs contradictions, dont la moindre n’est pas d’avoir fait d’un pays charnel le terrain vague d’une idéologie. S’il suffit de proclamer “liberté, égalité, fraternité” pour être français, alors l’humanité entière est française et il n’y a plus que des Français de papier, qui comprennent la liberté comme l’obligation pour la société de reconnaître pleinement leurs différences, l’égalité comme le privilège de les ériger en droits inaliénables et la fraternité — tous bigarrés, tous frères — comme l’éclatement de la société en autant de communautés autistes et inassimilables, puisqu’il n’y a plus aucun héritage commun à assumer.
Nous sommes au cœur du sujet. Certes, dans notre prochain éditorial, il nous faudra “prendre position” entre les différents candidats, puisque le régime nous impose un chantage permanent à la survie de la nation. Mais nous nous devions, aujourd’hui, dans cette dernière ligne droite, de rappeler les vices inhérent à un régime mortifère qui continue de se définir, négativement, par l’absence de Roi.
François Marcilhac - AF 2837