HOLLANDE, UN PRÉSIDENT POUR RIEN ?
Simplement, pour la première fois dans l’histoire de la Ve République, les deux têtes de l’exécutif sont deux politiciens d’âge mûr n’ayant jamais eu, ni l’un ni l’autre, de responsabilités gouvernementales, ce qui contraste avec l’exécutif le plus jeune de France, celui de 1974, Giscard comme Chirac étant déjà pourvus d’un riche passé ministériel lorsqu’ils accédèrent aux plus hautes responsabilités. Doit-on le regretter ?
Le duo Giscard-Chirac fut loin de faire ses preuves face à la crise naissante. Se trouve surtout posée la question de la place du Roi dans nos institutions, trou noir de toute république. La constitution de 1958, dont l’esprit “monarchique” fut renforcé en 1962 par l’élection au suffrage universel du chef de l’Etat, voulait enfin donner une tête à Marianne qui, jusque-là, n’en avait jamais eu... Très rapidement, le jeu des partis a pollué cette rencontre d’un homme avec la nation que l’élection devait assurer, mais, en dépit de l’instauration du quinquennat que la classe politique commence à regretter ouvertement, l’exécutif continue, bon an mal an, d’être le lieu de décision, même si on peut regretter que le président soit rarement cet arbitre actif qu’un Etat digne de ce nom comme l’intérêt national exigeraient. En ce sens, selon le mot du professeur Rouvillois, « la Ve est à la fois la meilleure des républiques possibles...et la pire des monarchies ».
Le candidat Hollande voulait une “présidence normale” rompant avec l’ “hyperprésidence” sarkozyste : cette opposition a-t-elle un sens ? Contrairement à ce qui a pu être dit ici ou là, Sarkozy n’a jamais violé une constitution dont l’esprit est très large : il n’a, durant cinq ans, ni plus ni moins abusé de son pouvoir que le Charles De Gaulle des tribunaux d’exception ou le François Mitterrand des écoutes téléphoniques. Le style, c’est l’homme et c’est, outre sa politique et ses mensonges, le style de Sarkozy que les Français ont justement révoqué. Un président “normal” doit assumer pleinement, dans son exercice comme dans son style, la dimension royale de tout exécutif. Du reste, dans son discours d’investiture, le 15 mai, le président Hollande a évoqué “les responsabilités exceptionnelles de cette haute mission”. L’avenir seul dira s’il est capable de les assumer dignement : notre patriotisme ne peut que le souhaiter pour l’image de la France dans le monde.
S’il est en revanche une continuité entre l’ancien et le nouveau, c’est l’attitude face à l’Allemagne. Qu’a fait d’autre Hollande ce mardi 15 mai que de tenir une promesse de campagne ...de son adversaire ? Sarkozy devait rendre visite au chancelier allemand le soir même de sa réélection ; Hollande y est allé le soir de son investiture... Ce signe d’allégeance en dit long sur l’identité de vue de la classe politique française en matière de politique européenne : l’homme de la croissance, prisonnier du tabou de l’euro, se contentera à terme d’autant mieux de quelques paroles verbales d’Angela Merkel, qu’en acceptant le cadre institutionnel et économique européen actuel il se prive des moyens de ses ambitions. [...]
François Marcilhac - La suite sur L’AF 2840